« Samarcande » de Nadine Shenkar

Roman bref ou long récit, Samarcande de Nadine Shenkar est la narration d’un palimpseste de plusieurs strates de questions et de constellations linguistiques. Pour commencer le livre est écrit en français, sa la langue de formation en littérature. Depuis, son itinéraire a pris la route d’Israël, où elle est professeur à l’Académie des Beaux-Arts Betsalel de Jérusalem.

Nadine Shenkar, experte mondiale d’art hébraïque et Cabale, a tissé un caftan qui n’existe nulle part ailleurs : il est brodé de fils de la cabale.

 

 

De Samarcande nous ne révélons pas l’intrigue, la question n’est pas policière, ce n’est pas de savoir comment va à finir l’attentat. Le palimpseste de Nadine Shenkar mire au témoignage civil et aussi à l’analyse de chaque élément qui rentre dans sa narration. La question est la question de vie et la question de mort, sans pour autant se poser comme une question d’alternance ou d’alternative.

Élément singulier est l’enseignement de la cabale et sa mise en jeu comme tissu même de l’histoire. Avec la cabale se joue l’occasion pour d’une sorte de seconde naissance où la vie se réinvente, sans cibler d’ailleurs aucune métamorphose mystérique.

La cabale par Nadine Shenkar ce n’est pas un dossier dans un inventaire fermé, ce n’est pas un résidu fossile : c’est un instrument de vie, quelque chose qui joue un rôle dans l’art de la combinaison et l’art de la combinatoire. L’autre instrument est le Midrash. Le vaisseau de la vie dans la navigation narrative de Nadine Shenkar a cette instrumentation complexe. Il y a un corpus entre 3000 et 5000 livres de cabale.

 

Dans l’histoire de Samarcande il y a l’attention à la vie hébraïque de cette ère, plutôt que de cette époque,  et à la vie des communautés juives qu’il y avaient avant la deuxième guerre mondiale, avant la Shoah, c’est-à-dire le massacre industriel des juifs comme solution finale conduit par le nazisme.

L’autre visage de l’attention se porte à la vie hébraïque et à l’analyse de l’époque,  y compris l’antisémitisme dans ses variables. Analyse qui n’est pas encore acquise dans le débat civil.

 

L’histoire se déroule au temps de l’Intifada, mais elle semble se jouer en Israël d’aujourd’hui. La moelle de l’antisémitisme est inchangée.

 

Le tout commence par une expo de caftans venant de Samarcande, avec leur beauté et leurs broderies d’or. Ici c’est l’art du plus petit détail qui tient la trame de l’aventure humaine.

 

Peut-être que les plus fines analyses de l’antisémitisme ne rejoignent pas la presse européenne, parce qu’elles ne passent pas l’examen de conformité à l’idéologie des oligarchies des democratures, qui regardent le plus restreint cercle des dictateurs mondiaux. C’est dans l’écriture de la narration du livre et dans les gestes des personnages qui se donne la légèreté de la vie, la suspension absolue de toute la pesanteur des attaques contre Israël et les Juifs.

 

Dans la légèreté de la vie absolue, qui n’attend pas les avenirs radieux pour se déployer, il y a dans le récit de Nadine Shenkar, outre la beauté de sa langue française, la beauté surprenante des rues, des maisons, des paysages, des femmes, des hommes, des jeunes et des vieux, des caftans et des étoffes.

Israël ce n’est pas le paradis en terre des utopistes, mais il y a le lait et le miel qui empêchent de boucler chaque question. La question intellectuelle est dans chaque grain et goutte de vie.

 

 

Nadine Shenkar, Samarcande, Éditions Maïa, Paris, 2023, p. 122.

Enseignante à l'Académie des Beaux-Arts Betsalel de Jérusalem, après des études de littérature et de linguistique en France et de philosophie hébraïque en Israël.

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